image of a man holding his head, looking tired.

Dispositif « MonPsy » : le dispositif qui soigne surtout les apparences

Ah, MonPsy… cette formidable avancée du système de santé qui, selon le ministère, permet enfin aux Français de consulter un psychologue sans se ruiner. Un progrès majeur, nous dit-on. Une révolution pour l’accès aux soins psychiques. Une mesure salutaire. Oui… sauf pour les psychologues. Et pour les patients. Et pour l’idée même de ce qu’est une psychothérapie. Détail mineur.
Le patient idéal selon MonPsy ? Stable, docile, et surtout... pas trop malade.

Un remboursement… à condition d’être presque en bonne santé

Première surprise : pour bénéficier du remboursement, encore faut-il ne pas avoir eu le malheur de consommer un antidépresseur ou un anxiolytique dans les deux années précédant la consultation. Un critère de sélection qui ferait presque passer les clubs privés les plus huppés pour des modèles d’inclusion.

On comprend bien l’intention : éviter les cas “trop lourds”. On devine même le raisonnement : si vous avez pris un comprimé pour aller mieux, c’est que vous êtes trop compliqué pour MonPsy. Et puis surtout, ça ne cadre pas avec l’idée d’un psychologue de surface, là pour 12 petites séances, le temps d’un coup de balai émotionnel. Et si au bout des 12 séances, le problème n’est pas réglé, Oust, du balais ! Si vous ressentez une forme de pression à la lecture de ces lignes, c’est normal.  


« Envoyez votre rapport au médecin traitant à chaque consultation » — dit la sécu, qui ne vous paiera que si vous êtes bien sage, méchants psychologues !

Un suivi médicalisé et sous contrôle administratif

Et puis il y a cette délicieuse idée de compte-rendu obligatoire au médecin traitant, comme si le psychologue devait désormais justifier de son utilité, séance après séance, pour qu’on daigne lui verser les 50 euros réglementaires. 50 euros dont il faudra déduire les charges, bien sûr (donc 30 euros). Et le loyer du cabinet (donc 23,5 euros). Et le temps de rédaction du compte-rendu. Et le silence intérieur que l’on essaie de préserver, entre deux convocations à devenir auxiliaire médical sous haute surveillance administrative.


On salue ici l’exploit de transformer un soin relationnel en acte prescrit et surveillé.

Un soin standardisé, chronométré, déshumanisé

« C’est mieux que rien ! » MonPsy, valorisé à partir de Rien.

La psychologie proposée dans ce cadre est codifiée, normée, chronométrée. 10 à 12 séances pour remettre de l’ordre dans une vie. C’est court. Très court. Trop court ? Qu’importe. Ce n’est pas tant de soigner qu’il s’agit, mais de cocher des cases, de produire du “suivi” mesurable, avec un patient qui ressort “pris en charge”. Adieu la liberté clinique, la créativité dans l’alliance, l’ajustement aux singularités. Place à la productivité psychothérapeutique.

Et n’imaginez pas proposer une thérapie ACT, une démarche existentielle, une exploration du sens — sauf si vous arrivez à le faire entrer dans une grille codifiée de symptômes légers, d’objectifs SMART et de bilans trimestriels. (Et encore, en parlant doucement pour ne pas faire trop de vagues.)

Un refus de compromis sur la liberté thérapeutique

Mais rassurez-vous, ce n’est pas grave : l’essentiel, c’est de participer. Au grand carnaval des apparences du soin.

Ici, au cabinet : j’ai choisi de conserver ma liberté de pratique. Et c’est difficile, chers patients : car au fond, nous sommes quasiment tous pour le remboursement des séances chez le psychologue. Oui, mais pas dans ces conditions.